En même temps que d'admirables découvertes, notre siècle aura vu la vulgarisation et l'application usuelle de la science.
La vulgarisation ! c'est-à-dire la science mise à la portée de toutes les intelligences, dépouillée de cet artifice d'expressions et de noms étranges, grecs ou latins, qui égare l'esprit et le met en défiance d'une étude pleine de variété et d'attraits cachés.
Ce n'est pas sans un sentiment d'effroi que nous nous rappelons encore cette terrible nomenclature de chimie, toutes ces lois de physique que l'on nous faisait apprendre à l'école ; les cours du professeur n'étaient que théoriques, et, par conséquent, arides. Car les écoles ne sont pas riches et les cabinets de chimie, de physique ou d'histoire naturelle y sont dans un état de dénuement à peu près complet. La craie et le tableau noir, quelques sels dans des flacons, une machine pneumatique, une machine électrique et un crâne humain, telles sont à peu près les ressources des laboratoires de nos lycées.
Mais la science arrivant à l'intelligence par les yeux ou par l'imagination frappée de peintures vives des phénomènes naturels, voilà la méthode employée par les vulgarisateurs, la seule méthode que l'on doit essayer et que l'on essaie d'introduire, il faut l'avouer, dans l'enseignement public.
Des hommes comme MM. Louis Figuier, Jules Verne, Jean Macé ont acquis une immense notoriété dans le monde scientifique par leurs travaux de vulgarisation. D'autres hommes intelligents, mais moins connus et moins répandus, suivent leurs exemples et travaillent, dans la mesure de leurs forces et dans une sphère restreinte, à l'instruction publique et à l'initiation des masses aux mystères de la science.
La bonne fortune a conduit parmi nous M. Emile Reynaud, un jeune savant qui procède des meilleurs maîtres et qui a bien ce talent d'intéresser par des expériences agréables et par des descriptions attachantes.
Malheureusement la salle mise à sa disposition est trop petite et contient difficilement un public nombreux où dominent les dames curieuses de voir et d'entendre.
Les leçons sont toutes préparées à l'avance, avec grand soin, et, sur un grand écran appendu au mur, paraissent les projections reflétées de dessins que M. Reynaud a faits lui-même et qu'il explique tout au long de son cours.
J'assistais hier pour la première fois à l'une de ces séances, et j'étais frappé de voir tant de monde, mais le talent du professeur, l'attrait de ses expériences, m'expliquèrent un tel empressement un peu étonnant dans notre bonne ville.
Le professeur traitait la question de l'optique et des phénomènes de la lumière. Je ne veux et je ne pourrais, du reste, pas répéter tout ce qu'il nous a dit dans un langage cependant très simple ; je n'ai voulu qu'insister sur la portée et l'importance de ces cours publics.
Je parlerais comme un ignorant des lentilles divergentes et convergentes, du microscope, de la longue-vue et du télescope ; de l'œil, cet admirable appareil d'optique dont nous a muni la nature ; de la lumière ; de la vulgaire chandelle remplacée par la bougie, et de la lampe Carcel détrônée par la lampe à modérateur.
Du pétrole ! et toutes ces dames ont frémi. Le pétrole a été réhabilité : M. Reynaud a enseigné les propriétés de ses vapeurs et de son essence ; il l'a montré inoffensif, d'un emploi excellent et facile.
Du pétrole nous en sommes venus, je ne sais plus comment, à la photographie. M. Reynaud était là, pour ainsi dire, dans son élément ; il semble très versé dans l'art de Niepce et de Daguerre. Son langage même s'animait quand il parlait de cette sublime invention de l'homme fixant, par ses procédés, la lumière céleste.
Mais je m'arrête, d'autant plus que cette énumération n'apprendra rien à personne. Il faut voir les expériences et entendre le professeur.
Je noterai pourtant une application que M. Reynaud fait de la photographie, application surtout intéressante pour l'industrie de la dentelle.
Il a déjà exécuté, au Puy, la photo-lithographie qui aidera notre Société des sciences dans la publication de ses travaux, et, maintenant, il s'occupe de vulgariser un procédé des plus simples pour reproduire le dessin d'une dentelle.
Vous prenez un papier qu'il a préparé lui-même et qu'il a mis en dépôt, place du Breuil, chez Mme Peyron. Vous tournez au jour, vers le soleil - si soleil il y a -, le côté gris-verdâtre du papier, et, sur ce côté, vous appuyez votre dentelle en la couvrant d'un verre à vitre ou d'une glace non étamée pour bien l'étaler. Puis, après avoir laissé papier et dentelle à la lumière, vous voyez le papier bleuir et le dessin de la dentelle paraître en blanc. Alors vous plongez simplement le papier dans l'eau, l'opération est terminée, et le dessin est fixé.
On y apprend des choses très amusantes à ces cours.
Telle est l'histoire de cet horticulteur qui avait presque découvert la photographie, sans le savoir.
Les couleurs des fleurs et des fruits, le rose des pêches, le vert des prunes ou des poires, le rouge des pommes sont sensibles à la lumière. Notre horticulteur s'en était aperçu. Aussi que faisait-il pour marquer les produits de son verger ? -- Il découpait ses initiales en papier et les collait par je ne sais quel procédé tenace sur ses fruits, puis quand la lumière et le soleil avaient peint, de belles couleurs, pommes, pêches et poires, ses initiales se trouvaient naturellement dessinées parce que la place couverte par le papier était différemment teintée.
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Au 10 avril. -- L'électricité et ses phénomènes.